Sept questions… pour mieux se connaitre

Cette rencontre avec Jean-Paul Sermadiras et Salmi Elahi s’est tenue à Auroville en février dernier. Nous étions, en cette fin d’après-midi, assis sous un arbre, au Pavillon de France.

La Lettre Bleue : Comment Auroville est-il apparu dans ta vie ?

Jean-Paul : En fait, ça s’est fait en plusieurs étapes. La première fut une visite dans le Sud de l’Inde. Je suis passé par Auroville, j’ai vu le Matrimandir de l’extérieur, le Visitors Center et je suis reparti.


Je raconte les étapes, parce que c’est assez important.


Deuxième étape, dans les années 2000, je reviens ici. J’aimais plutôt le Kérala. Mais je viens ici et je vais au Sahaj Marg à ChennaÏ parce que je m’intéresse beaucoup à la Pleine Conscience et à ses racines que l’on trouve dans certaines pratiques indiennes et soufis. Je vais là-bas et je reste deux ou trois jours dans cet ashram, mais je ne m’y sens pas très bien. Je devais apprendre un texte de théâtre, donc je reviens ici et je vais à l’hôtel Dune, en dehors de Pondicherry. De là, je reviens à Auroville et je vais au Matrimandir pour la première fois.


L’année suivante, je reviens. Et là, je contacte l’Alliance Française pour y jouer. Je vais au Samadhi, je vais à l’Ashram voir les livres de Sri Aurobindo et je découvre qu’il a écrit des pièces de théâtre. Donc je les achète, mais elles sont en anglais et je me dis que je vais les faire traduire en France pour voir ce que cela donne. J’ai alors rendez- vous à l’Alliance Française avec le directeur de l’époque et incidemment, je lui raconte que j’ai acheté ces pièces de théâtre.

Il me dit « Je crois qu’à l’Ashram, il y a un Monsieur qui les a traduites. Vous voulez le rencontrer ? » -« Oui, ça peut m’intéresser. » – « Il s’appelle Cristof Pitoeff ». Alors là, lafamille Pitoeff, famille de théâtre, ça m’interpelle ! Il me donne le numéro de Cristof.
Celui-ci me donne rendez-vous à l’école de l’Ashram. Je me souviens très bien de ce moment-là. Il était tout au bout de la cour, assis au pied des bâtiments, j’étais à la grille et j’ai su que c’était lui. Il y a eu un contact immédiat. D’ailleurs, des années après, Cristof m’a dit « Tu sais, lorsque je t’ai vu arriver je me suis dit : voilà un ami. »


Donc pour revenir aux étapes, le vrai premier contact ce fut plutôt avec l’Ashram de Sri Aurobindo.


Puis un peu de temps s’est écoulé pour que Cristof retrouve le texte d’une des pièces qu’il avait traduite. Il me l’a fait parvenir sous forme de polycopiés. Et je l’ai récupéré des mains de Mandakini lors d’une soirée à l’ambassade de l’Inde où Luc Venet y
présentait son livre sur Sri Aurobindo J’ai lu la pièce et je me suis dit, là, quand même… c’est énorme, c’est une pièce qui dure, je ne sais pas, 8 heures, 9 heures, avec plein de personnages et je me suis dit… ça va être difficile !
Puis j’ai commencé à lire Satprem et j’avais envie de faire un spectacle avec cette matière. J’ai donc décidé de faire un spectacle sur Satprem et Aurobindo. Et là, je ne sais plus par qui, j’apprends qu’il existe Auroville International France. Je suis donc allé présenter le projet. Il y avait Yves, Nadia… Et ils me disent « C’est incroyable, car on voulait faire un spectacle sur Satprem. » L’idée était venue en 2017. Nous étions en 2018, c’était les 50 ans d’Auroville. C’est vraiment là une synchronicité qui a eu lieu.


J’ai donc eu leur feu vert et c’est à ce moment là que nous sommes venus habiter à Auroville pour travailler et adapter les textes.Comme j’ai eu quelques difficultés d’obtention de droits, j’ai adapté, j’ai introduit des textes de Rimbaud dont Satprem ne tarissait pas d’éloge, j’ai pris également de longs extraits de « Labeur d’un Dieu » de Sri Aurobindo. La majorité des textes provenant de Satprem, je les ai pris dans le film « L’Homme après l’Homme ».


Donc je suis allé en Italie, rencontrer David Montemurri, le réalisateur. J’ai rencontré également Luc Venet. Il a été adorable. Il m’a ouvert la porte. Il m’a donné des lettres, de la correspondance qu’il avait eue avec Satprem, qui n’étaient pas du tout éditées à l’époque. Il y a eu vraiment une aide. Et il y a plein de portes qui se sont ouvertes. Et pour David Montemurri, j’ai passé deux jours avec lui et ce fut…indicible… Je ressortais de chez lui… J’avais l’impression que j’avais passé 10 heures de méditation.
Il a fallu que je dorme après, c’était si fort, je me suis endormi sur la plage de la petite ville où il habitait à une heure au sud de Rome. La présidente de l’Institut de Recherches Évolutives Italie, qui était présente, m’a dit que cela avait été la même chose pour David. C’était tellement intense… David m’a donné les droits.

Et on a construit ça comme cela, pendant les quelques mois où je suis resté ici, à Auroville. Salmi y avait un rôle, il y avait Olivier Ythier qui a incarné Satprem avec l’intensité et la justesse nécessaire pour interpréter un être aussi exceptionnel, quant à
moi, j’interprétais « Mauvais sang » de Rimbaud, Le Labeur d’un Dieu, Silence poésiede Sri Aurobindo et Élévation de Baudelaire et Salmi chantait des mantras et le fameux air « Erbame dich » dans la passion selon Saint Mathieu de Bach. Ce spectacle
s’appelait « Et pourtant c’est la veille de l’aurore ». Et là, nous pouvons dire que nous sommes entrés un peu plus dans la matière. Nous avons beaucoup travaillé avec Cristof sur l’adaptation des textes. J’allais le voir à l’école trois fois par semaine. Et nous écrivions, nous devisions ensemble. Cela nous a beaucoup rapprochés.

Jean-Paul, Cristof et Salmi

Ce spectacle a fait le festival d’Avignon dans le théâtre de Claudie Lemonnier, qui vient chaque année à Auroville, puis il s’est joué à la Cartoucherie de Vincennes. Et ici, à Auroville. Nous avons fait une sortie de résidence, juste avant notre départ, au Bharat Nivas. Puis nous sommes revenus l’année suivante et là, nous l’avons joué à l’alliance française dans le cadre des francophonies de Pondicherry et à l’école de l’Ashram. Un moment inoubliable, la première fois que Satprem avait droit au chapitre à l’ashram, depuis son départ quelque peu fracassant.


Et c’est ainsi que notre parcours s’est écrit.

C’est pour cela que je suis attaché aux textes, parce qu’en réalité pour moi ce n’est pas l’écologie ou autre chose qui m’ont amenés à Auroville, c’est Aurobindo, ce sont les textes, ce sont les frères Pitoëff. Ils ont pour moi une importance primordiale dans ce processus… En fait chaque génération a eu des personnes qui, sans le chercher, sont devenues des repères. J’ai découvert aussi Barbier de Saint Hilaire « Pavitra ». Il y a les échanges de lettres avec son père et son neveu et puis il y a aussi cette présentation qu’il a faite à l’école de l’Ashram. C’est un très beau texte qui a été enregistré et retranscrit et publié sous forme d’un petit livret.

Barbier de Saint Hilaire « Pavitra » dans les années 20.

J’ai trouvé intéressant de faire un parallèle entre ces hommes. Pavitra est arrivé après la première guerre mondiale . Après la deuxième guerre mondiale, c’est Satprem et après 68, qui ne fut pas une guerre, mais un grand bouleversement, ce sont les frères Pitoëff qui arrivent. Ils forment une sorte de trilogie.
Et donc, pour revenir à ta question, mon entrée dans l’histoire d’Auroville et c’est une chance, s’est faite par les artistes, par les textes. C’est une chance parce que nos petites histoires, et je m’inclus dedans, ce n’est pas toujours brillant. Si je n’avais vu
que cela, je serais parti en courant.
Et c’est pour cela que je veux défendre ces textes et ces créateurs, j’y inclus toutes formes de création. Ces êtres qui nous ont laissé des traces parce qu’ils nous aimaient et voulaient nous aider sans nous connaitre, juste pour que nous nous engagions et poursuivions « La Grande Aventure ». Offrir ces textes. Ensuite, les gens peuvent en faire ce qu’ils veulent. À eux de s’en débrouiller, qu’ils restent à Auroville ou qu’ils aillent n’importe où dans le monde, ça se transporte. Les bouquins, tu les mets sous le bras. Auroville est physiquement ici, mais les livres…

La Lettre Bleue : Quelles activités ont exercé tes deux parents ?

Jean-Paul : Ma mère a fait pas mal de boulots, elle s’est occupée d’un cinéma, a travaillé dans l’immobilier, elle a fait plein de boulots. Et mon père, lui, c’était un véritable personnage…


Salmi : Un peu comme Satprem…

Jean-Paul : Oui, dans un autre genre mais, un peu comme ça, révolté. Il avait ce côté révolté, mais il ne l’a pas vécu de la même manière. Et puis il s’est retrouvé parachuté, alors qu’il n’avait rien à voir là-dedans – mais c’est la vie qui l’a mené là – il s’est occupé de cabarets pendant une partie de sa vie. Et à certains moments, il était capable de tout lâcher, partir faire les vendanges, vivre deux ans en faisant les saisons à droite à gauche, puis revenir… Il y avait une sorte de magnétisme, il partait, il revenait …


Salmi : À propos de son père, une chose m’a beaucoup marquée. Une fois, il y avait un clochard dans la rue et il a regardé toute sa famille et il a dit « Vous m’avez fait rater ma vie de clochard. » Ça veut dire beaucoup de choses !


Jean-Paul : Oui, on lui a fait rater sa vie de clochard. Parce que, quelque part, d’avoir une famille … Même si mes parents se sont séparés, il a quand même eu une présence importante, même si ce n’était pas une présence constante. Il avait tout de
même une présence, presque invisible. Auprès de moi, puis ensuite auprès de ma sœur, tout de même, l’air de rien, il nous a, mais vraiment par en dessous, il nous a beaucoup soutenus. En donnant l’air de « Je n’en ai rien à faire… » Donc il disait effectivement que ça lui avait fait rater sa carrière de clochard. Car il se voyait plutôt comme un moine errant, comme un sanyasin. Je pense que s’il avait connu le terme, c’est celui qu’il aurait utilisé.
Et en même temps, il a eu une vie complètement autre puisqu’il s’est occupé de cabarets très connus à Paris, mais cela ne lui correspondait pas. C’est quelqu’un que l’on a mis là-dedans et ça a marché… Mais il a arrêté assez jeune, au milieu de la cinquantaine il a arrêté et il est parti vivre dans le sud de la France, dans un petit village de l’Aude. Il s’est acheté une tour et c’était une sorte d’ermite à la fin de sa vie, après voir vécu à Paris et tout ce qu’impliquait son travail, il s’en est complètement
éloigné. C’était un personnage assez atypique.


La Lettre Bleue : Est-ce que tu as vécu à Auroville et si oui, qu’est-ce que tu y as fait pendant cette période ?

Jean-Paul : Vivre, non, mais nous y avons passé du temps. Par exemple, et je crois que cela a été très formateur pour nous, nous avons passé tout le temps du confinement à Auroville. On a passé 6 mois. On est arrivés en janvier et on est repartis
en juillet, parce qu’on avait des travaux à suivre en France, mais là, il est vrai que
nous avons failli basculer, parce que, nous y étions très bien, vraiment.Plein d’Auroviliens étaient absents. Certains ne pouvaient pas revenir, d’autres étaient partis juste avant le confinement ou au tout début. Pour nous cela a été un moment exceptionnel. Car lorsque nous le pouvions nous allions à Pondicherry. C’est là où j’ai mieux connu Sébastien, le frère de Cristof. On allait chez les Pitoëff travailler, enregistrer des textes de poésie, des textes de Cristof, des recueils de poèmes que Sébastien mettait en musique. Ce fut très très fort ces moments-là. Et là, on a failli rester en Inde. Mais comme nous étions en travaux dans notre maison en Bretagne, il a fallu rentrer pour les suivre.
Nous logions alors à Citadines puis on a fait du « house sitting » à Sunship. Pendant le confinement, il n’y avait plus de « Ama », on faisait la cuisine, on épluchait les légumes, à tour de rôle, trois fois par semaine. Un autre s’occupait du linge. Tout s’était
organisé…C’est un peu notre histoire à tous les deux ici. On ne vit pas à Auroville, mais on y a vécu dans une période très particulière. Même si, entre guillemets, c’était peut-être encore plus Auroville que cela ne l’est en temps normal. Parce que là, il
fallait tout faire. Il y avait un système de livraisons interne. On allait faire les courses à Ganesh Bakery, il y avait quelqu’un qui désinfectait les paniers de courses les gens gardaient leur distance. Il y avait une cohésion forte. C’était incroyable.

En plus, il y avait un autre acteur présent qui était confiné là. C’est à ce moment là que j’ai travaillé sur les textes de Pavitra et lui voulait adapter la Bhagavad-Gîtâ. Donc nous avons fait cela pendant 3 ou 4 mois. On se retrouvait tous les jours dans la salle vidéo de Citadines et on répétait tous les après-midi. On avait aussi organisé un petit ciné-club, le dimanche…. Enfin, voilà.

La Lettre Bleue : Et quelles activités exerces-tu en France ?

Jean-Paul : Je fais du théâtre. Pour moi, le théâtre, ce n’est pas simplement mon métier, c’est ma façon de vivre. Je prends souvent cette image de Simone Signoret, car souvent les gens disent « entrer dans la peau d’un personnage », et Signoret dit une
chose très belle : « Mais où est la peau du personnage ? On n’entre pas dans la peau d’un personnage. » Elle dit le mouvement se fait plus vers l’intérieur que l’extérieur « Les choses entrent en nous ». Le texte est à l’extérieur. Je l’apprends, je le fais entrer en moi. Donc pour moi, le théâtre, c’est une introspection.


À chaque fois que je travaille un personnage, je découvre des choses de moi, que je n’utilise pas, mais qui sont en moi. On est tous des meurtriers potentiels, on est tous des saints potentiels. Potentiellement on a tout cela à l’intérieur de nous. Il y a des choses qui font que la vie, l’ADN, je ne sais, la psychogénéalogie, tout ce que tu veux, nous font agir d’une certaine manière, mais tout est en nous. Donc pour moi le théâtre, c’est cette possibilité d’introspection. J’en parlais il y a peu de temps avec
Sébastien qui m’expliquait que Mère tenait à ce que dans l’éducation, le théâtre ait une pleine importance.


J’ai enseigné, j’ai mis en scène, je joue. Le théâtre vient du mot theatron, qui veut dire en Grec l’endroit d’où l’on voit. Il y a un côté « voyance ». Qu’est-ce que l’on voit ? Du point de vue du spectateur, qu’est-ce-que l’on voit ? La vie. Et c’est cela qu
m’intéresse, c’est la dimension sacrée, entre guillemets, qui m’intéresse. Comme cela se passait chez les Grecs, pendant les fêtes religieuses.


Et ce n’est pas innocent d’être rentré en contact avec Sri Aurobindo. D’ailleurs il se définissait lui-même comme un poète. Il ne disait pas, je suis un gourou, je suis un philosophe. Je suis un poète d’abord. Et je comprends cela vraiment, car je pense que
la poésie nous permet d’aller vers quelque chose que nous n’arrivons pas encore à expliquer. La poésie, on la lit, on la comprend, mais il y a quelque chose que l’on saisit et que l’on n’arrive pas à exprimer. Parce qu’il y a quelque chose qui va au-dessus. Pour moi, la poésie, c’est ça. Et je pense que c’est ça qui m’a attiré. J’ai été amené par la chance, par ce que l’on veut, à être connecté avec cela, car il y a cette dimension spirituelle qui m’intéresse. Cette dimension d’introspection. Chez Sri Aurobindo, l’art est présent également. Il y a les deux versants en lui.


Salmi : Il y a Rumi aussi. Poète et spirituel.


Jean-Paul : Oui il y a Rumi. Mais je le connaissais moins. Ce qu’il y a de fort avec Sri Aurobindo, c’est qu’il a assimilé l’orient et l’occident à l’intérieur de lui-même. Il avait les deux. Il a écrit du théâtre et toute cette poésie…

La Lettre Bleue : Quel animal, ou quel son, Auroville évoque pour toi ?

Salmi : Pour moi, il y a un oiseau mythique qui est le Phénix. Il y a également la salamandre. Ces animaux-là vont dans la flamme et ils brûlent, mais ils renaissent deleurs cendres. C’est ainsi pour Auroville, parce qu’Auroville est enraciné dans une
réalité. La vraie réalité de l’être humain qui est la lumière et la joie.

Et toutes ces choses qui viennent, comme les problèmes de visas et d’autres problèmes, je pense qu’il faut les dépasser. De toute façon, la réalité d’Auroville est là, ancrée, et cela ne va pas disparaitre. Il y a cette chose précieuse qui ne va jamais disparaitre tant que l’être humain est là. L’humain, avec cette face cachée, lui qui se disperse dans des choses un peu mentales et oublie souvent cette face cachée, précieuse.

Photo : Kripa Borg

Quand, dans la nuit, dans le calme, il y a tous ces questionnements, il y a aussi toutes les inspirations pour se sortir de ces tumultes. D’où le phénix. Auroville ne va jamais disparaitre. Je dirais que ce n’est pas seulement un lieu. Je pense que tous ces gens-là, avec leur intériorité, emportent Auroville partout. Il vit grâce aux gens qui ont cette foi dans cette chose. Une chose qui n’est pas étriquée, qui est énorme. Et donc Auroville m’évoque le phénix.


Et le son, c’est nos sons. C’est le silence. La voix d’Auroville, c‘est le silence. Le silence, c’est une sorte de son, cette intelligence cosmique qui plane partout, même lors de la réunion de tout à l’heure et même maintenant, la voix du silence est là. Elle contient 99% de notre intériorité. Le silence, c’est la voix du dedans.

La Lettre Bleue : Comment lis-tu les changements survenus à Auroville depuis les 3 dernières années ?

Jean-Paul : C’est une question cruelle. J’ai cette sensation de quelque chose qui est en train de mourir. Et la mort, c’est la transformation. Donc il y a une transformation en cours, qui évidement peut surprendre.C’est une lecture que j’essaie de garder. Ce n’est pas de la naïveté, car, comme tout être humain, j’ai une vraie conscience de la difficulté. Je sais, parce que j’ai traversé des choses, comme chacun d’entre nous, très difficiles, je sais que je n’ai pas d’autre choix que d’apporter de la joie dans mon cœur. Parce que si je n’apporte pas cette joie, je sombre.

Donc ce que j’essaye de faire, c’est de chercher des solutions à la situation présente. Enfin, d’essayer d’en trouver, avec mes maigres moyens. Par exemple, je suis là sur un projet qui est complètement utopique, de rêveur, certains diraient. Mais comme dirait Hegel, rien de grand ne s’est construit sans passion.

Je ne peux pas encore en parler, parce que c’est trop fragile, mais mon énergie, j’ai envie de la mettre là, parce que cela me fait grandir, cela me met dans une positivité. Et cela me fait notamment rencontrer des gens très intéressants, qui sont vraiment intéressés par Auroville.

La Lettre Bleue : Dans quel type de paysages te sens-tu le mieux ?

Jean-Paul : Il y a deux paysages où je me sens bien. Trois même. Là où je vis, en Bretagne, dans un village très retiré, en contact avec la nature, en contact également avec mon histoire, car j’ai une partie de ma famille qui est originaire de là-bas, du côté de ma grand-mère maternelle.

Puis il y a Paris. Je ne supporte pas cette ville, mais je la trouve belle et culturellement, le théâtre est à Paris ! Et en troisième, c’est ici, à Auroville, où culturellement il se passe aussi des choses très intéressantes et où en même temps, il y a de la nature. Je suis un mélange entre un amoureux de la nature et un amoureux de la culture. Donc pour moi l’idéal, c’est le projet d’Auroville.


Je pense que Sri Aurobindo, comme on le sait, a vu des choses, cent ans ou plus, en avance. Lorsque il parle du monde futur, au début du 20 ème siècle, on se dit que c’est ce que l’on voit maintenant. C’est pour cela aussi que je ne suis pas étonné par ce qu’il se passe. Même Satprem, il ne dit pas « Ah, les copains ça va se passer tranquillement… ». Il dit, pour que cela fonctionne, il faut que ça lâche. Il faut que l’homme aille jusqu’au bout.

Donc mon idéal ce serait de vivre dans un lieu où la nature est respectée et en même temps où l’on vivrait dans une société apaisée et où le partage culturel serait immense. Mais ensuite, je m’interroge et je me dis à moi-même « Es-tu apaisé ? Non,
pas complètement ». Donc il faudrait peut-être que j’arrive à m’apaiser moi-même pour pouvoir vivre avec des gens qui sont apaisés. Sans tomber dans la vie monastique, parce que ça non plus, ça ne m’intéresse pas de me couper des autres. Et « apaisé », c’est juste les premiers pas et ces premiers pas, je ne les ai pas encore faits. Parfois je me dis que ce sont peut-être les rêveurs qui rêvent le moins, peut-être que ce sont les rêveurs qui sont réalistes.

Salmi : Pour ma part, je suis très liée à la nature, comme tout être humain. Je vois, en Iran, qu’il y a une apogée de souffrance en ce moment avec tout ce qu’il s’y passe. Eh bien les gens se réfugient dans la nature.

Photo : Kripa Borg

Ainsi je pense que dans la nature, il y a quelque chose qui nous inspire et nous fait retourner à notre source. À notre vérité propre. J’aime bien la nature, mais en même temps, et là je rejoins Jean-Paul, on aimerait aussi vivre avec des gens, des gens à l’esprit libre. Pas enchainés. Avec cette liberté fluide qui est partout dans le silence, dans la nature. Ce sont nous, êtres humains, qui apportons des chaînes, avec nos formatages. Vivre entourée de nature, avec des êtres humains à l’esprit le plus libre possible… Un rêve ?

Interview Marc-André

Cet été, courant août, Jean-Paul et Salmi organisent une rencontre  » Un Rendez-vous avec Auroville », en
Bretagne. Pour en savoir plus, cliquer sur ce lien : Un Rendez-vous avec Auroville

Un poème de Rumi en Farsi dit par Salmi.
Poèmes de Cristof Pitoëff dits par Jean-Paul et Cristof.




Traduction du poème de Rumi lu par Salmi :
« Notre harpe se brise-t-elle, ne la regrettons pas. Descendues entre les doigts de l’amour, mille autres ici-bas subsistent.
Et quand bien même flûtes, luths et harpes du monde entier brûleraient et partiraient en fumée, il restera toujours quelque part des mélodies secrètes.
Leurs clameurs gagnent le ciel, elles retentissent dans l’univers même si les hommes sont sourds.
La bougie du monde s’éteint-elle, ne t’afflige pas, cette Lumière-là est éternelle.
Les chants qui survolent la mer sont poussière, les pierres précieuses qui gisent au fond aussi.
Mais ces poussières au-dessus sont le miroir des pierres précieuses en dessous, elle se reflètent sur nous.
Ces musiques disent la joie de se joindre à Lui, car leur source et leur essence, c’est Lui.
Tais-toi, ouvre la fenêtre du coeur et laisse le dialoguer avec les âmes.

About the Author

Related Posts